Révéler l'invisible

Toutes les photos ont été réalisées avec un réflex numérique Nikon (modèle D60, occasionnellement un D5000).
J'utilise de nombreuses focales numériques (18-55mm, 18-105 (1:3,5-5,6), 50mm (1:1,4)) et argentiques (28mm (1:2,8), ...), avec des bagues macro (12, 20 et 36mm).
Proscrivant le mode automatique, les clichés sont réalisés -parfois à tatons- grâce à des réglages manuels.
Sauf mention contraire, elles sont authentiques, sans aucune retouche ni recadrage.

A chacun son point de vue. A chacun ses objectifs.
On le comprend bien assez tôt. Il a toujours été question pour moi de décomposer, déstructurer le monde. Une sorte de puzzle où les choses peuvent aller à différents endroits, sous condition d'harmonie, sous condition d'esthétisme.
Tenter de reproduire la fascinante nature, riche et éternelle, la folle jungle qui me servait de jardin, de l'observer pour la comprendre d'abord. L'envie de partage est venue peu à peu. Enfant, j'étais bien seule à adorer mes dégoûtants insectes merveilleux. Plus tard, il me semble que j'arrive peut-être à exhiber le fantastique démon qui habite dans chaque brin d'herbe, sous chaque feuille... Longtemps j'ai eu peur qu'on n'y voit pas ce que j'y avais vu. Et puis, pourquoi ne pas inviter à la découverte ? Pourquoi ne pas proposer le figé qui fait s'envoler l'imagination ? Du figé pour s'émouvoir... Maintenant, et comme depuis toujours, je réalise ces clichés par passion du beau, et par tentative de partage. J'imagine que vous ne voyez pas ce que j'y vois, mais je vous propose ce que j'ai vu, à vous d'y comprendre un diable ou un génie, de prendre les choses comme elles sont, ou de les refléter à travers l'oeil humain. Libre à vous, comme à ces insectes qui m'ont accordé quelques secondes.

Ce qui me plaît tant dans la photographie macro comme je la réalise (non pas dans un sens entomologique, qu'on se le dise), c'est l'éphémère : douceur alliée à la disparition fugace, ou l'agressivité peureuse dans un patchwork mirobolant.
Ce qui me plaît, c'est de m'abandonner. A la vérité, je me sens esclave de ces modèles qui décident seuls de montrer ce qu'ils veulent et pour combien de temps. Abandonner mon corps immense pour m'immiscer dans un micromonde, abandonner mon souffle tempétueux et vivre à leur rythme. On ne peut pas s'imposer dans ce monde, il faut réussir à se faire accepter. Se rendre invisible malgré son gigantisme.
La composition artistique se doit d'être spontannée, non pas intellectuelle mais émotionnelle, c'est le principe du réflex, non ?

D'une petite ville du Sud de la France (dans la Drôme), elle a grandi en contact permanent à la fois avec un milieu artistique et une nature omniprésente.
En effet, sa mère galeriste et enseignante en histoire de l'art, son père autrefois graphiste et son grand frère tantôt étudiant en art, tantôt artiste créateur, ont été un environnement qui a aidé à construire son sens de l'esthétisme.
C'est avant ses dix ans qu'elle décide que plus tard, elle deviendra entomologiste (spécialité lépidoptères), car elle a découvert certaines des merveilles de son jardin en se mettant à élever des papillons. Si l'ambition professionnelle s'estompe peu à peu, la passion demeure et grandit, et elle s'allie rapidement à un désir d'image, de représentation.
L'apparition du numérique a facilité l'apprentissage toujours autodidacte de la photographie nature telle qu'elle la ressent. Ses débuts dans l'engouement photographique (dans les années 2000) se font sous le signe de l'impression, de la saisie d'une beauté fugace et éphémère davantage qu'à la recherche de la technique. Son style se retrouve dans cette émotion, un instant unique, plein de mystère, une douceur brute.
Photographier revient pour elle à prendre son temps, pour (re)découvrir le monde que l'on croît connaître parce qu'on le voit en permanence sans prendre le temps. Il est question de pauser, pauser le temps, figer le mouvement pour émouvoir. Non pas chercher, mais trouver la beauté dans le familier. Révéler ce qu'on ne voit plus, ce à quoi on ne fait pas attention. Lever le voile du quotidien pour y voir la pureté. Mais son quotidien est peut-être singulièrement différent du votre.